Introduction : Deux mastodontes du secteur sur le banc d’essai breton

En Bretagne, choisir le bon tracteur n’est plus une simple question de couleur sous le hangar. L’évolution des parcs, la diversité des cultures, la pression sur le temps de travail et, surtout, le coût d’utilisation poussent chacun à comparer, essayé et parfois… changer de crémerie. Entre John Deere — l’icône verte made in USA — et New Holland — le bleu référence de Fiat-Case, devenu incontournable sur nos campagnes —, la question n’a jamais été aussi ouverte.

Pour trancher, il faut dépasser le marketing et regarder ce qui compte : robustesse, polyvalence, coût d’entretien, valeur à la revente et qualité du service après-vente local. Retour sur ces deux marques phares, chiffres réels et témoignages bretons à l’appui.

Présentation rapide des deux marques

John Deere New Holland
Création : 1837 (États-Unis) Leader historique mondial, réputé pour sa robustesse et son haut niveau d’innovation technologique. Gamme large, de 49 à 691 ch (source : John Deere France). Création : 1895 (USA, racheté par Fiat/Case). Marque aujourd’hui italo-américaine, leader européen hors Allemagne, très présente sur les gammes polyvalentes. Éventail de puissance de 40 à 620 ch (source : New Holland France).

Parc breton : qui est vraiment leader ?

La Bretagne, bassin d’élevage et de polyculture, roule encore majoritairement vert : en 2023, John Deere reste en tête du marché tracteurs neuf dans le Finistère (source : Terre-net), mais New Holland grignote à l’échelle régionale, surtout sur les exploitations intermédiaires et bio. Exemple concret : sur les parcs de 60-130 ch, la part de marché de New Holland dépasse 32 % sur certains secteurs costarmoricains, loin devant Case IH ou Fendt.

  • John Deere : préféré sur les grosses exploitations, CUMA, céréaliers et ETA.
  • New Holland : très présent chez les éleveurs, polyculteurs-éleveurs, maraîchers, et vignerons émergents du Morbihan.

L’uniformité s’estompe : le rapport à la marque dépend aujourd’hui du type d’exploitation, du réseau de concessionnaires et du profil d’utilisateur.

Robustesse et longévité : que valent ces tracteurs après 4000 heures ?

Les chiffres terrains

  • John Deere : réputé pour la durabilité de ses transmissions PowerQuad/AutoPowr et moteurs PowerTech. Beaucoup de modèles 6000 ou 7000 bien entretenus passent les 10 000 heures sans souci majeur (source : Agriaffaires, groupe Facebook « Tracteurs John Deere France »).
  • New Holland : meilleure accessibilité mécanique, coûts de pièces généralement 10 à 20 % plus bas (hors électronique), mais quelques modèles à variation continue série T7 ont enregistré des soucis de pont arrière ou d’électrovanne autour de 5000 heures selon Matériel Agricole Info.

Les moteurs Fiat/Iveco de New Holland type NEF sont réputés sobres et résilients dans les gammes 80-150 ch. Pour qui bricole maison, le T6 ou ancien T5 fait figure de champion. John Deere garde l’avantage sur les gros gabarits ; les 6R et 7R restent recherchés sur le marché d’occasion grâce à leur endurance — et leur côte élevée.

Polyvalence et spécificités : à chaque ferme son match

  • John Deere :
    • Hydraulique généreuse, prise ISOBUS souvent plus avancée en sortie d’usine.
    • Plus lourd à vide sur modèles série R, ce qui aide au travail de sol profond mais peut gêner en pâturages humides bretons.
    • Fonction « CommandARM » plébiscitée pour les utilisateurs connectés, mais demande un temps d’adaptation et formation spécifique.
  • New Holland :
    • Mieux positionné sur les gammes spécialisées : vergers, maraîchage, vignes courtes (gamme T4, T5).
    • Prise de force « ECO » efficace et gamme SuperSteer (angle de braquage serré) appréciée dans les exploitations aux parcelles morcelées.
    • Convivialité du tableau de bord, simplicité de prise en main reconnue par les utilisateurs peu technophiles.

Le choix peut donc se faire selon :

  • La configuration du parcellaire (grandes parcelles/plates : JD ; morcelées ou accès difficiles : NH).
  • La main-d’œuvre disponible (conducteur unique expérimenté : JD ; utilisation polyvalente avec saisonniers : NH).
  • Le niveau d’équipement agricole déjà présent (en cas de matériel ISOBUS ou d’autoguidage, JD garde une longueur d’avance).

Coût d’achat, entretien, décote : où sont les vraies différences ?

Prix d’achat neuf (janvier 2024, sources : concessionnaires Ouest-Agri, Promodis, Agriconomie):

  • John Deere 6155M (155 ch, Pack confort, guidage inclus) : environ 128 000 € HT
  • New Holland T7.165S (165 ch, pack équivalent) : environ 116 000 € HT

Le différentiel prix s’amenuise sur l’occasion, quoique John Deere surcôte : sur le marché breton, un JD 6930 DynaPowr de 6000h s’échange courant 2024 entre 73 000 et 82 000 €, contre 62 000 à 69 000 € pour un NH T7.200 équivalent (source : Agriaffaires).

Coût d’entretien et de réparation

  • Pièces détachées : New Holland, historiquement moins cher sur les consommables (filtres, kits hydrauliques), commence à réduire l’écart — comptez en moyenne 8-15 % de moins sur l’entretien courant, mais écart quasi nul dès que l’électronique est concerné (calculateur moteur, faisceaux, etc.).
  • Mécanique terrain : Le réseau de garages John Deere est souvent mieux formé sur la partie électronique avancée, tandis que New Holland reste champion du dépannage mécanique rapide, surtout pour les models T5-T6.

À noter : pour les CUMA bretonnes ou ETA, la rapidité de disponibilité des pièces donne l’avantage à JD près de Rennes et Lorient, mais sur la Cornouaille ou le Trégor, New Holland dispose d’un réseau de concessions actif (groupe Le Normand, Le Masson).

SAV, réseau, accompagnement : l’importance du local

Le critère souvent sous-estimé : la proximité et la qualité de l’après-vente. En Bretagne, la densité du réseau John Deere reste forte, avec des concessions dans chaque département (ex : Ouest-Agri couvre Morbihan et Ille-et-Vilaine). New Holland est très bien implanté, surtout sur les secteurs d’élevage et d’agriculture de conservation (ex : Le Masson Groupe représente la marque sur toute la façade ouest).

Point à surveiller : les délais de prise en charge pendant les fenaisons ou campagnes d’ensilage. Sur ces pics, le nombre de techniciens et la disponibilité de l’atelier font la différence, parfois plus encore que la marque elle-même. Plusieurs éleveurs rapportent un gain de 12 h minimum sur la remise en route d’un New Holland immobilisé, comparé à certains JD pendant la campagne 2023 (source : retours coopératives locales).

Ergonomie, électronique embarquée : au service du conducteur

  • John Deere :
    • Poste de conduite moderne, visibilité avant remarquable sur les 6R et 7R post-2016.
    • ISOBUS et AutoTrac (guidage automatisé propriétaire) très avancé, mais attention à la compatibilité avec des outils concurrents.
    • Demandera un temps de formation pour maîtriser toutes les options (télémaintenance, télémétrie, etc.).
  • New Holland :
    • Cabine réputée silencieuse (72-73 dB sur T6/T7 selon Matériel Agricole Test), commandes simples et directes.
    • Guidage GPS IntelliSteer performant, généralement plus ouvert sur le matériel multi-marque mais quelques limites sur le nombre de capteurs compatibles.
    • Poste de conduite accessible aux personnels moins formés ou pour alternance d’utilisateurs.

Vers quel modèle s’orienter selon son activité bretonne ?

Type d’exploitation Modèle John Deere à privilégier Modèle New Holland à privilégier
Céréalier > 100 ha 6R 185, 7R 210 ou 6215R T7.210, T7.230, T8 pour gros travaux
Polyculteur-éleveur 60-120 ha 6155M, 6130R, série 5R pour complément ensilage/pature T6.165, T5.120, T6.145, T7.165S
Maraîcher, légumiers, verger Série 5G, 5075M, 5080GF T4.100F, T4.90, Boomer 40
Vigne émergente, micro-ferme 5GF ou 5GL compact T3F, T4 V/N

Le modèle idéal dépendra de la configuration des bâtiments, du nombre d’heures annuelles prévues et des outils déjà présents sur l’exploitation. Prendre en compte l’écosystème déjà en place (outils ISOBUS préexistants, logiciels de gestion des cultures,…) assure une intégration fluide.

Au final : une question de contexte, de besoins et de réseau

Il n’existe pas de vainqueur unique : un tracteur John Deere affiche une robustesse hors pair, une valeur de revente solide et des solutions de guidage avancées, ce qui séduit sur les exploitations céréalières et les ETA de taille importante. New Holland propose une alternative technique et économique convaincante, surtout sur les exploitations de taille moyenne ou les ateliers spécialisés où la capacité à réparer soi-même et la simplicité font la différence.

Plutôt que de choisir sur un coup de cœur ou sur la marque familiale, mieux vaut faire un tour terrain : comparer le parc régional, interroger les voisins, tester la réactivité du SAV local. Parfois, c’est la qualité de la concession — et non la marque sur la calandre — qui pèsera vraiment dans la balance.

Pour vous positionner, posez-vous trois questions clés :

  • De quelle disponibilité avez-vous vraiment besoin en pleine saison ?
  • Quelle part de vos travaux pourrait être automatisée/optimisée par un guidage de précision ou un bon ISOBUS ?
  • Quel est votre niveau d’autonomie mécanique, aujourd’hui et demain ?

Les deux marques gardent le cap sur la fiabilité. C’est, au bout du compte, votre contexte de travail breton, la proximité de votre concessionnaire et votre organisation interne qui dicteront le choix le plus rentable sur le long terme.

Sources : Terre-net, Matériel Agricole, Agriaffaires, Ouest-Agri, Promodis, retours utilisateurs groupes Facebook « John Deere France » et « New Holland Entraide », Matériel Agricole Test, réseaux de concessionnaires bretons (Le Masson, Le Normand).

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